LES MOTS DU 22 MARS (d’après les mots de l’ordinateur des terroristes dans la poubelle de la rue Max Roos)
Une réalisation de Richard Kalisz et Sam Touzani.
Radio – Vérité
Le 22 mars 2016, deux attentats terroristes d’envergure ont frappé Bruxelles, l’un à l’aéroport de Zaventem, l’autre dans le métro, à proximité du quartier des Communautés Européennes. Six hommes en ont été les acteurs, dont un commanditaire. Ceux-ci sont maintenant connus car nous possédons leurs identités. D’autant plus, que deux d’entre eux ont renoncé en dernière minute. Ces événements meurtriers – 34 morts et 340 blessés – s’inscrivent dans une chaîne internationale de villes, surtout occidentales. Se réclamant de « Daesh », les protagonistes, ayant souvent un passé proche de la délinquance (mais pas seulement), ont une motivation religieuse de rédemption. Il est énoncé qu’on nous fait la guerre au nom d’un islamisme politique.
C’est une guerre de l’ombre.
Nous avons donc à saisir à bras le corps, et de manière la plus lucide possible, la plus exacte possible, ce qui, actuellement, se produit sous nos yeux et nous traverse le corps. Sans sentimentalisme , sans périphrase inutile. Il y va de notre lucidité et de notre vie. Bien entendu, plusieurs angles de vue, permettent d’aborder la question. On peut lire, à part égale, dans nos journaux quotidiens, tantôt des points de vue issus de la sociologie de l’excuse, tantôt du point de vue du facteur religieux dominant. Ici nous choisissons de mettre en lumière le factuel dans la relation des préparatifs clandestins du massacre annoncé. C’est une tragédie qui se met en place, s’accélérant à cause d’une certaine précipitation, car ces hommes traqués, sentent qu’ils sont, ce jour – là, à bout de souffle. Alors, nous vivons la préparation du forfait, avec eux, minute par minute, en état d’urgence.
Au cours du déroulement de ce factuel, l’invocation proche du salafisme et des « Frères Musulmans », prend progressivement le dessus.
Les écoutes téléphoniques, et surtout leur ordinateur, retrouvé dans une poubelle, nous en fournissent, et la trame et les mots précis échangés : le verbe avant de passer à l’acte. Car tout acte commence par la parole, comme l’a énoncé la Bible. Ces phrases et leurs enchaînements (presque inéluctables, n’ayant pas été déjoués à temps), ont été très récemment, mises à jour et révélées, par deux compte -rendus du journal Le Monde, qui, souvent, fait plutôt bien son travail. Ce déroulement restitué, nous enferme dans un huis-clos mortifère. Il nous terrifie et il n’est nul besoin de littérature car, cette épure, jusque dans la banalité des mots de tous les jours, donne froid aux oreilles, nous invitant à réfléchir afin que la vie, nos vies, soient les plus fortes.
Nombreux sont ces protagonistes, qui sont des délinquants : comme autrefois les S.A. des années trente, agissant avec un habillage idéologique qui les légitime, s’offrant une rédemption et une foi low-cost à eux-mêmes et aux yeux des « frères ».
S’engouffrant dans notre désarroi, qui s’ouvre béant sous nos pas, nous entendons l’expression de groupes et de solitaires, œuvrant dans le secret des réseaux cryptés. Cette clandestinité (même quelque peu réalisée en amateurs), se situe dans des chambres, tous rideaux tirés, et qui, ici, se restitue par la vérité sèche du réel.
Aristote signifiait que la TRAGEDIE agit par la terreur. Obligatoirement, elle doit nous terrifier afin de nous obliger à la surmonter, sans moralisme journalistique ou sociologique, sans périphrase, mais en nous la faisant vivre au plus près des protagonistes. Pour qu’à l’aube, nous puissions affronter le jour, en toute connaissance de ce qui nous menace, et pour nous mettre debout sur nos pieds, notre cœur n’ayant pas cessé de battre et ne cessant plus de battre.
Cette œuvre, comme l’aurait voulu Aristote, doit nous réveiller comme le son du Shofar .
Œdipe se crève les yeux pour y voir clair, mais nous, ne nous bouchons pas les oreilles.
Sans image, car leurs visages, nous empêcheraient d’entendre.
Cinq hommes reclus dans une planque, (en lien avec un commanditaire) préparent, minute par minute, l’attentat du lendemain, tout près de nos oreilles. Mais ceci pourrait se passer ailleurs aussi. Si les services de renseignements ne peuvent les prendre de vitesse.
Ils font partie d’un réseau. Une de ses cellules temporaires. Parfois dormantes, parfois éveillées. Parfois passant à l’offensive.
Cachés aux étages, au-dessus de nos plafonds, juste à côté, ou en dessous, les voici infiltrés pour le pire. Les femmes y sont absentes, seule la figure de la mère est invoquée. Certains hésitants, sont rappelés à l’ordre. Mais le rêve fanatique et symbolique reprend le dessus.
La parole pour « tuer le jour jusqu’à demain « disent-ils, textuellement, ainsi que pour « aimer la mort ».
Avec les collaboration De Bernard Delpierre ( montage) et les interprétations de Philippe Jeusette, Gaétan Lejeune, Marcel Delval, Pierre Dherte, Franky Michot , Fabian Dorsimont.
Production : Théâtre Jacques Gueux – Les Temps d’Art.